La moisson

Adolescent, Petru Dumitriu rêvait d'écrire un récit-dragon, deux mille récits se chevauchant à la manière des écailles du monstre fabuleux. Ce récit, le voici. Celui de sa vie, finalement. Écrit en Occident, ainsi qu'il se l'était promis, comme pour expier de n'avoir pu éviter la famine, à l'Est, qu'en inféodant sa plume à la propagnade du parti. Un récit terrible, parfois, mais on ne peut plus tonique, témoignant de «la victoire du bonheur sur le temps», toujours soutenu par cette joie pure d'exister dont le jeune Petru, déjà, ne savait trop qui remercier dans ses élans de prière. Un véritable roman, en fait, qui ne perpétue pas seulement le souvenir de personnages souvent exemplaires, mais nous unit dans une mémoire commune, nous autres Européens divisés de l'Est et de l'Ouest. L'auteur a connu les deux «systèmes». Et en a souffert, à titres divers. Mais il ne s'agit pas pour lui de dénoncer, de régler des comptes. «À quoi bon écrire, si ce n'est pour faire des révélations sensationnelles, et quoi de plus sensationnel, d'inouï, d'incroyable, que le spectacle rarissime et soigneusement caché de la bonté humaine ?»