La Dernière Migration

Cela paraissait impossible, inconcevable, et pourtant c'est arrivé : les affamés du monde entier, ceux d'Afrique les premiers, parce que les plus proches de notre continent, ont traversé les mers, ont envahi nos villes, se sont répandus dans nos campagnes. Noires armées de moribonds venus nous demander des comptes. Qu'avait à voir avec eux une famille bien paisible de notre beau pays, le père, régisseur, qui, depuis longtemps, voulait se débarrasser de la porcherie où s'employait déjà une main-d'oeuvre noire, la mère, dévote exaltée et ferme sur les principes, la fille, un peu timbrée, qui parle sans cesse de partir pour un Gabon de carte postale, le fils, vétérinaire à l'esprit encombré de fausse science, qui se prend pour un personnage de Beckett et s'enferme dans un souterrain où, parcourant toutes les étapes d'une dénutrition volontaire, il va nous entraîner dans ses souvenirs, ses cauchemars, ses hallucinations. La puissance visionnaire de Janine Matillon, dont on n'a pas oublié l'Orimita bosniaque d'il y a deux ans, s'exerce de nouveau à plein dans cette fiction en forme d'ultime appel au secours.